Warning: Constant MULTISITE already defined in /htdocs/wp-config.php on line 83

Warning: Constant SUBDOMAIN_INSTALL already defined in /htdocs/wp-config.php on line 84

Warning: Constant DOMAIN_CURRENT_SITE already defined in /htdocs/wp-config.php on line 85

Warning: Constant PATH_CURRENT_SITE already defined in /htdocs/wp-config.php on line 86

Warning: Constant SITE_ID_CURRENT_SITE already defined in /htdocs/wp-config.php on line 87

Warning: Constant BLOG_ID_CURRENT_SITE already defined in /htdocs/wp-config.php on line 88

Warning: Constant WP_CRON_LOCK_TIMEOUT already defined in /htdocs/wp-config.php on line 96
XXI - Page 17 sur 23 - Les 9 vies de Norodom Sihanouk

XXI

Un matin, deux mois après leur installation, ils ont de nouveau été convoqués. Angkar, en bon économiste, avait relevé une erreur dans l’exploitation des ressources humaines. En effet, les femmes qui s’occupent de leurs enfants ne peuvent pas donner toutes leurs énergies à la Révolution et sont utilisées comme des vieux de 55 ans ! D’où l’idée de créer un groupe avec les petits jusqu’à 14 ans pour libérer les mères. Mith Sy présente une jeune fille, cheveux très courts, une frange sur le front, uniforme noir et krama rouge comme il se doit. C’est un cahier à la main qui marque, aux yeux des autres, sa qualité de kamaphibal-institutrice.

– Voici mith neary Li. Elle sera responsable de cette unité. C’est une authentique communiste, elle s’est engagée dès l’âge de douze ans et a guerroyé avec une conscience de classe, des principes révolutionnaires rigoureux et un esprit patriotique qui a souvent été cité en exemple. Elle a participé à l’assaut contre le pont de Chrui Changvar. Aujourd’hui, elle va mener avec vous un nouveau combat. Les enfants ! Elle n’est pas comme les institutrices du régime féodal qui vous apprenaient à lire, écrire, compter. Elle, elle vous donnera une vraie formation ! Votre école, ce sera la rizière, votre stylo une bêche.

En s’adressant toujours aux petits, le camarade Sy ajoute :

– Vous ne resterez plus avec vos parents. Vous êtes des enfants d’Angkar, vous êtes nourris avec du riz d’Angkar, vous dormirez sous la surveillance d’Angkar. Allez, suivez mith neary Li, étudiez avec elle, travaillez avec elle, vivez avec elle[10].

En entendant cela, les petits sont effondrés, Vithara s’accroche à Keo, il a à peine 6 ans. Sita, seule, ne pleure pas, elle a désormais en charge son frère, elle essaie de le consoler, sert sa main. Les adultes ne bronchent pas, ils se tiennent debout, immobiles, incapables de protéger leur progéniture.

Mith Sy fait donner de la voix.

– Arrêtez de vous lamenter, ils restent dans notre village, vous les verrez de temps en temps. Ils ne sont pas vos enfants, mais ceux d’Angkar. Ils seront Angkar. Ils ont un avenir, pas vous !

Il ordonne aux autres kamaphibals d’emmener leur troupe.

Deux groupes éloignés, séparés par la place de la coopérative vide qui occupe les deux tiers du dessin. Au premier plan, les adultes, de dos, levant timidement la main pour un adieu discret, au fond des formes grises où l’on ne distingue que la haute silhouette et le vélo de l’institutrice. Encore des êtres qui s’effacent.

Mith Sy demande à Heng de rester. Il a des nouvelles, d’excellentes, au sujet de sa requête. Des camarades vont venir pour le rencontrer. Keo est partie avec les femmes à la rizière. Rithy suit mith Phân, mais il ne peut s’empêcher de voir que les anciens fonctionnaires demeurent aussi au camp. L’angoisse est totale. Il a l’esprit si préoccupé qu’à peine a-t-il commencé que la pioche ripe sur une pierre et lui cisaille le pied. Il saigne à gros bouillon et son chef le renvoie à la coopérative.

– Décidément, vous ne valez rien. Allez vous faire soigner, vous reviendrez quand vous le pourrez.

De retour au camp, Rithy se précipite pour avoir des nouvelles de Heng. Son frère n’y est plus. Sa demande a été rejetée. Il faut désormais qu’il rejoigne les autres anciens fonctionnaires. Une mise à niveau politique pour s’assurer qu’ils serviront bien Angkar avant de reprendre leur travail. Mais, déjà, plus personne ne croit à cette fable. Ramsey est là également, elle est alitée et a une forte fièvre, les événements de la matinée l’ont rendue malade. Elle regarde son petit dernier qui boite, son pied gonflé et douloureux, le vide laissé par son aîné. En quelques jours, son état se dégrade. Oum Savath, devant la gravité de la situation, court chercher son ami Sœun Kimsy. Personne n’a alerté Keo. Elle n’est pas là ni ses enfants. Rithy reste seul près de sa mère. Bientôt elle tombe dans un coma profond et il tente de la ranimer par des massages cardiaques. Un vieux souvenir. Inefficace.

Il veut crier, aucun son ne sort ; il veut pleurer, les larmes ne viennent pas ; il veut mourir, il a vingt ans. Le corps de Ramsey est brûlé dans un buisson à cent mètres, derrière la maison.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *