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XXIV - Page 4 sur 22 - Les 9 vies de Norodom Sihanouk

XXIV

Elsa Louaeg : J’étais étonnée de tomber ainsi sur Sihanouk, dans un club de tennis ! Difficile d’imaginer le petit homme rondelet courir après la balle à son âge. Il avait, certes, été « champion » au football et au volley du temps de sa splendeur ! Depuis notre précédente rencontre, il avait peu changé, quelques cheveux blancs, quelques centimètres de tour de taille en plus, mais il était toujours aussi charmeur.

– Princesse Norodom, Samdech Euv, quel plaisir de vous revoir !

– Madame Louaeg !

Sihanouk avait une mémoire assez étonnante. Il m’a aussitôt souri.

– Le plaisir est partagé, mais j’espère que vous n’êtes pas ici pour m’interroger sur le Cambodge.

– Rassurez-vous. Je ne suis plus journaliste ! Après mon dernier séjour à Phnom Penh, j’ai abandonné le métier, je suis désormais organisatrice de voyages à travers le monde. Je me déplace autant, mais dans des régions plus pacifiques.

– Vous risquez de ne pas venir de sitôt dans mon pays, a-t-il dit tristement, puis, se reprenant, il m’a invité à m’asseoir. Il a appelé le garçon et lui a demandé de retarder son menu et de servir des coupes de champagne.

– Je regrette que vous ayez quitté ce métier, car vous étiez un bon journaliste. Pourquoi l’avoir fait ?

– Enfant, j’ai vécu l’après-guerre. C’était dur, mais nos parents étaient enthousiastes, un vent de liberté soufflait sur tous les continents. Ma génération voulait changer le monde et moi, je désirais en être le témoin. Et puis…

– Le monde a changé !

– C’est exactement cela. Nos rêves sont devenus réalité et cette réalité n’était pas celle dont nous rêvions.

Je l’ai regardé. Je n’arrivais pas à le haïr. Pourtant, ses décisions successives avaient provoqué la mort de deux millions de personnes. En était-il vraiment responsable ? N’avait-il pas été dépassé par les événements ? Dépassé, sans doute, mais toujours au cœur de ceux-ci. Bien que ne faisant plus de reportage, je suivais avec beaucoup d’attention la situation au Cambodge et je n’ignorais rien de son dilemme. Les Chinois, les Américains et les pays de l’ASEAN le poussaient à devenir le chef de la résistance, à servir encore une fois de prête-nom aux hommes de Pol Pot. Il refusait d’avaliser un tel plan dont le résultat serait de ramener au pouvoir des assassins. Mais sans le soutien des nations occidentales, il n’avait pas les moyens de chasser les troupes d’Hanoï. De la décision qu’il allait prendre dépendrait l’avenir du Cambodge. Vietnamiens ou Khmers rouges ? J’avais envie de savoir !

– Samdech, je ne suis plus journaliste, aussi vous pouvez me répondre sincèrement. Une question me tourmente. Quel est votre pire cauchemar ?

Il a réfléchi, hésité. C’est si intime, un cauchemar, cela révèle tant de choses en vous. Finalement, il a parlé, presque soulagé. C’était un rêve lancinant et il avait besoin de le confier à une oreille amie.

– Je suis à la plage, sur la Côte d’Azur, non loin de Cannes. Je ne connais personne et personne ne me reconnaît. Je suis un anonyme au milieu de milliers d’individus qui se chauffent au soleil, un retraité, un oisif parmi tant d’autres. Je n’en peux plus. Je me lève et je décide d’aller au Casino. Je manipule des fortunes. Est-ce que je perds ? Est-ce que je gagne ? Je n’en sais rien, mais je n’arrive pas plus à attirer l’attention des clients ni du personnel, pas même du croupier. Je quitte la salle de jeux un instant pour me rafraîchir aux toilettes. Penché sur un lavabo, je me regarde dans un miroir. Ce n’est pas mon reflet que je vois, mais celui de Bao Daï.

Il s’est interrompu, réfléchissant. Soudain, il a ri, comme pour dédramatiser ce qu’il venait de me dire.

– Quand il m’a nommé roi, l’amiral Decoux m’a si souvent demandé de le prendre comme modèle qu’il me hante désormais.

Je suis atterrée par une telle réponse. Quel est votre pire cauchemar ? Les envahisseurs vietnamiens ? Les bourreaux khmers rouges ? Non, Bao Daï !

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