Warning: Constant MULTISITE already defined in /htdocs/wp-config.php on line 83

Warning: Constant SUBDOMAIN_INSTALL already defined in /htdocs/wp-config.php on line 84

Warning: Constant DOMAIN_CURRENT_SITE already defined in /htdocs/wp-config.php on line 85

Warning: Constant PATH_CURRENT_SITE already defined in /htdocs/wp-config.php on line 86

Warning: Constant SITE_ID_CURRENT_SITE already defined in /htdocs/wp-config.php on line 87

Warning: Constant BLOG_ID_CURRENT_SITE already defined in /htdocs/wp-config.php on line 88

Warning: Constant WP_CRON_LOCK_TIMEOUT already defined in /htdocs/wp-config.php on line 96
XXIV - Page 21 sur 22 - Les 9 vies de Norodom Sihanouk

XXIV

Un aspect nouveau du Cambodge, c’est ce vieux paysan, habitant une petite bourgade, surgie quasiment du néant, au milieu de la montagne, durant les bombardements américains dans les années soixante-dix et qui, depuis, n’a cessé depuis de s’agrandir. C’est un ancien kamaphibal khmer rouge. Il ne cherche pas à défendre Angkar, il sait que des atrocités ont été commises, mais…

– Pol Pot a commis des atrocités et nous y avons participé. Nous n’avons que notre bonne foi pour excuse.

Il se penche vers vous, soudain sérieux. Il parle d’une voix basse :

– Les chiffres les plus fantaisistes ont circulé. Pour s’en rendre compte, il faut se rappeler que le pays avait environ sept millions d’habitants. Les morts représenteraient un sur trois, voire sur deux !

Le voici devenu expert en statistiques (morbides).

– En 1998, des universitaires américains ont fait une étude très pointue pour déterminer le nombre exact de décès dont les Khmers rouges seraient responsables. Ils ont pour cela comparé les tailles de la population en 1970 et en 1992, seules dates où il y a eu un vrai recensement. En estimant par ailleurs, les naissances, les migrations et les décès « normaux », on peut en déduire la surmortalité. Le problème est que, dans le cas du Cambodge, il y a une incertitude sur chaque mesure faite. Les universitaires sont tombés sur une valeur variant de 700 000 à 3,2 millions, d’où le chiffre de 2,2 millions généralement proposé.

Il souligne que cela pourrait n’être que 700 000.

Il ajoute, lugubre :

– Morts entre 1970 et 1992. Or, ces années recouvrent aussi le déluge de feu américain des années 70-73 et l’invasion vietnamienne.

Maintenant il rit à nouveau.

– Les Américains ont largué 250 000[10] tonnes de bombes sur le pays pour soutenir le gouvernement Lon Nol. Quel poids d’explosif pour tuer un petit Khmer ? Un kilo ? Cinq ? Cent ? Cinq cents ? Une tonne ? Même avec ce chiffre, le nombre de morts n’est pas négligeable, mais aucune étude sérieuse sur l’opération Menu n’a été effectuée. Angkar a récupéré tous les cadavres[11].

Son visage est désormais déformé par un rictus qu’il croit être un sourire

– Il ne faut pas oublier la « libération » par les forces vietnamiennes. Elle est advenue juste au moment des récoltes de riz. Une partie a été perdue, le reste emmené par les occupants. La famine a été dévastatrice dans un pays où la population venait de vivre trois années de disette… Mais chut, n’est-ce pas ?

Il se rend compte qu’il a basculé dans l’horreur, celle qui consiste à renvoyer les morts d’un coupable à l’autre. Il se reprend, évoque les conditions de vie inhumaine sous le régime des Khmers rouges.

–  Il n’y a certes pas eu de directive de Phnom Penh pour exterminer les citadins, mais pas non plus pour les épargner. La colère, notre colère, était suffisante, nous étions incapables d’être compatissants, de leur porter secours tandis que le choc du retour à la terre, le manque de soin, de nourriture, le travail forcé les anéantissaient. Des morts, il y en a eu !

Son âme, soudain, tremble. Il se tait.

Les conditions sociales qui ont amené le pays à la catastrophe sont de nouveau là : la misère, la corruption de ses élites, la surexploitation des pauvres, la prostitution des hommes et des femmes, des enfants vendus par leurs propres parents à quelques rabatteurs.

Et si cette colère revenait ?

Tout, cependant, n’est pas noir,

Bleus sont les yeux de ma mie.

Terminé à Metz le 25 décembre 2021

Yaréf


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *