Ils avaient cependant un problème dans ce Paris rouge si attachant : on confondait Indochinois et Annamites. Lors d’un festival de la Jeunesse, on leur offrit le drapeau du Viêt Minh arborant cinq étoiles sur fond écarlate qui figuraient les trois provinces vietnamiennes plus le Cambodge et le Laos ! Pour les communistes français, le Viêt Nam avait déjà conquis ses deux voisins.
« Quand Viêt Nam s’appelait Indochine », chanterait plus tard Ann Vanderlove !
L’internationalisme en prit un coup, car ils réagirent en poussant au paroxysme leur identité cambodgienne. Chau Seng, qui s’était fiancé à une militante française, fille d’un responsable du PCF, perdit beaucoup de son prestige et Ieng Sary prêcha même la masturbation à ses amis pour se préserver de toute tentation.
Lui n’en avait pas besoin, il connaissait une brillante étudiante en anglais, Khieu Thirith, dont le père était un magistrat cambodgien. Elle était, elle-même, boursière, et ils en profitèrent pour convoler en justes noces, à la fin de l’été 1951. Ce fut un beau mariage avec beaucoup d’invités malgré leur peu de moyens, la tradition étant que chacun paie sa quote-part pour l’organisation de la fête. Khieu Ponnary, la sœur de Thirith, qui finissait son temps en France, planifia les festivités. Ils étaient jeunes, heureux, insouciants, ils étaient au pays du vin, dans la capitale de l’univers, où l’on pouvait trouver toutes les épices du monde. Tous oublièrent la politique, ce jour-là, et si les époux étaient tous deux khmers, au niveau des convives, du repas, des danses, etc. il y eut métissage. Personne ne s’embarrassa de savoir ce que serait la future Assemblée nationale qui allait être élue un mois plus tard.