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XXIII - Page 8 sur 17 - Les 9 vies de Norodom Sihanouk

XXIII

Quand elle se réveille le lendemain matin, il est encore très tôt. L’appel de la ville est irrésistible. Elle s’habille rapidement. Il faut qu’elle sache. La grille n’est pas fermée à clé, la voilà dehors. Dès qu’elle peut, elle s’éloigne du boulevard pour se perdre dans les petites rues. C’est l’envers du décor. Les magasins sont à l’abandon, envahis par les mauvaises herbes, des ordures sont entassées çà et là, les maisons portent toujours les stigmates de l’évacuation, certaines ont été transformées en entrepôts, des bananiers ont poussé, sauvages, le cinéma est là, explosé comme dans le documentaire, la banque centrale aussi. Une certaine animation règne au lycée Descartes occupé par une administration ou une fabrique, car il n’y a pas d’enfant.

Un peu plus loin, elle découvre un terrain vague au milieu de la ville où quelques vaches paissent en paix. Elle observe, ahurie, les animaux brouter. Elle ne parvient pas à détacher son regard sur ce spectacle d’une sérénité absolu. La cathédrale, fierté de la France coloniale, qui se dressait au cœur de la capitale, a disparu. Il n’en reste pas une seule pierre.

C’est là que les gardes envoyés à sa recherche l’ont retrouvée. Ils sont trois, complètement hystériques. L’un d’eux, un jeune aux cheveux gominés, pointe son AK47 vers Elsa et lui intime un ordre en Cambodgien. Elle ne le comprend pas et, à son tour, explique, en français, qu’elle ne fait rien de mal, qu’elle est juste sortie pour se promener, qu’elle ignorait qu’il était interdit de quitter sa résidence… Un autre garde, plus âgé, à la peau plus sombre, lève ses mains, paumes ouvertes, au niveau de ses épaules, faisant le geste de se rendre. Elsa saisit et l’imite aussitôt, tout en continuant à parler, à parlementer. Le troisième la frappe alors pour la faire taire. Le coup n’est pas violent, mais produit son effet. Il faut qu’ils réfléchissent. Ils ont besoin qu’elle arrête de s’agiter. Ils discutent beaucoup entre eux, en faisant de grands signes. Visiblement, les Français étaient sous leur responsabilité et ils n’auraient jamais dû la laisser sortir. Ils sont terrifiés encore plus que la jeune femme qui essaie de suivre la conversation sans comprendre un traître mot, tentant de lire sur les traits de celui qui parle ce que sera son sort, lui offrant son beau visage au bord des larmes. Finalement, on lui montre la voiture. Elle monte à l’arrière avec un policier, les deux autres prennent place à l’avant. Après les cris et l’agitation, tout le monde se tait. Elsa songe à ses collègues disparus durant la guerre civile. Elle se tasse dans son coin comme pour se faire oublier.

Quand elle arrive à sa résidence, elle respire, elle croit ses ennuis terminés. Hélas, elle est enfermée dans une chambre avec un garde. Un deuxième s’est posté devant l’hôtel, le troisième est parti aux renseignements. Ils n’ont pas essayé de communiquer avec Kaun, le seul qui parle les deux langues. Dans la pièce, le Cambodgien lui a montré une chaise et elle s’est assise, osant à peine bouger. Il se tient debout face à elle, immobile lui aussi, la mitraillette pointée dans sa direction, silencieux. Elle guette les bruits. Ses amis se sont-ils réveillés ? Ont-ils constaté sa disparition ? Que font-ils ?

Elle a une envie irrépressible de pisser. Elle regarde son garde et murmure « Pipi ». Il ne réagit pas. Alors elle le redit à haute voix, mais il ne semble pas comprendre. La porte est ouverte et on voit les toilettes. Elle tend le bras pour les montrer et répète « Pipi ? ».

Il sursaute. Un instant, il a cru à une tentative désespérée de sa prisonnière pour le désarmer, le tuer. Il a su garder son sang-froid. Il lui a intimé l’ordre de ne pas bouger tandis que son doigt presse sur la gâchette, assez pour que le moindre choc déclenche la rafale. Son adversaire s’est aussitôt recroquevillée sur elle-même, tremblante, terrifiée, battue, soumise. Rassuré, il jette enfin un regard de biais dans la direction indiquée et découvre le siège. Il sourit et, d’un signe de tête, commande à Elsa d’aller faire ses besoins.

La malheureuse obéit en frémissant. Son garde la suit et se positionne dans l’encadrement de la porte. Elle comprend alors qu’aucune humiliation ne lui sera épargnée. Son envie s’est envolée, mais elle n’ose revenir à sa place. Elle défait son pantalon, descend sa culotte et s’assied. Elle croise ses mains sur ses cuisses, essayant de faire un ultime paravent à son sexe. Elle voit le regard de l’homme. Froid, soupçonneux. Elle baisse la tête et se concentre. Il faut pisser, sinon il va croire que tu voulais seulement t’échapper.

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