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VIII - Page 8 sur 13 - Les 9 vies de Norodom Sihanouk

VIII

Ce jour-là, ce fut un Sihanouk radieux qui se dirigea vers la tribune du pavillon Chan Chhaya, là même où il avait fait son discours d’investiture de roi, face à une foule tout aussi dense, bruyante, plus impatiente que la première fois. Des micros répercutaient sa voix sur toute l’esplanade et bien au-delà par les ondes. Conscient de vivre le moment le plus important depuis les temps angkoriens, il clama :

– Vu la situation mondiale et celle de l’Asie, celle du Cambodge en particulier, nous constatons que la France n’est plus à même de nous assurer une quelconque protection et a, de ce fait, rendu caduc le Traité de protectorat que nous avions signé avec elle. Aussi en tant que roi du Cambodge, je proclame publiquement qu’à dater de ce jour le pays reprend ses droits à l’indépendance. Le Cambodge s’efforcera, par ses propres moyens, de se développer pour mériter la condition d’État souverain…

Il ne put continuer. La foule hurla sa joie. On s’embrassait, on riait, on criait le nom du roi, on chantait l’hymne national. Sihanouk songeait, le sourire aux lèvres, que nul n’aurait pu imaginer ce déferlement de bonheur.

– Nous allons demander à nos amis cochinchinois le retour chez nous de tous les prisonniers cambodgiens. En particulier de ceux dont nous sommes si fiers, ceux qui en 1942, ont osé affronter les autorités françaises, au nom de la compassion qu’ils éprouvaient pour l’achar Hem Chieu.

Nouvelle interruption. Nouveaux applaudissements nourris. Nouveaux cris.

– Cette année, exceptionnellement, nous décrétons que le Nouvel An aura lieu demain afin qu’il coïncide avec notre premier jour d’indépendance.

Sihanouk souriait, riait. C’était un bonheur d’autant plus immense qu’il était partagé par tous.

– Chers concitoyens, nous sommes confrontés à un problème dans nos lycées et collèges, la pénurie de professeurs, les Français ayant été arrêtés. Le gouvernement a donc décidé d’avancer les vacances. Nous aurons, comme cela, quelques mois pour accueillir et préparer nos propres enseignants, ceux qui étudient actuellement à l’université de Hanoï. Nous allons demander à ces jeunes un grand sacrifice, qu’ils mettent fin immédiatement à leurs cursus pour venir éduquer notre peuple, le pays a besoin d’eux, car une nation qui ne cherche pas à s’instruire ne sera jamais une nation libre.

Ainsi, le Cambodge ouvrait sa première heure d’indépendance par un appel à former sa jeunesse, car pour ce pays, l’instruction est garante de liberté, comme l’ont si bien proclamé le siècle des Lumières, la Révolution française et les hussards de la République[5].

En première année au lycée Sisowath à Phnom Penh, Ieng Sary vivait un rêve ou un cauchemar éveillé. Ieng Sary, c’était ce jeune garçon qui, lors de la révolte des ombrelles, avait tenté d’interpeller des soldats pour qu’ils s’insurgent et qu’Oum Savath avait renvoyé à ses études. Depuis le 9 mars, il n’y avait plus de cours, mais il n’était pas rentré chez lui, il parcourait la capitale à longueur de journée pour observer, pour essayer de comprendre. Il y avait beaucoup de militaires japonais et les Français s’étaient tout simplement volatilisés. En arrivant sur l’esplanade devant le palais, il avait vu un attroupement, les Japonais avaient creusé une tranchée. On y amena bientôt un homme, un blanc, ligoté et attaché, les bras liés dans le dos, il avait sa chemise déchirée et visiblement, il avait été battu. C’était inimaginable ! Ainsi l’on pouvait « les » frapper ? Comme, entravé, il ne marchait pas assez vite au gré de son gardien, celui-ci lui donna un coup de crosse entre les épaules, le malheureux hurla et fit un pas de côté. Le geste était totalement inefficace, mais glaça le groupe de badauds. Puis on le força à s’agenouiller devant le trou. Il se mit à pleurer sans un mot. Dans l’entre-deux jambes, son pantalon était souillé. Un officier japonais se plaça alors derrière lui et tira son sabre du fourreau. Ieng Sary était si fasciné par ce qu’il voyait qu’il n’en éprouva ni horreur ni pitié. C’était la fin des dieux blancs, tout simplement.

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