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XX - Page 15 sur 24 - Les 9 vies de Norodom Sihanouk

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Oum Savath regardait son fils manger. C’était un simple bouillon de caramel de sucre de palme, aromatisé d’ail doré, d’anis étoilé et de nuoc-mam. Des lamelles de bœuf y avaient cuit lentement jusqu’à être tendres, quelques quartiers de tomate, de l’œuf mollet rajouté cinq minutes avant de servir apportaient de la couleur au plat, un peu d’herbe et d’oignon haché de la fraîcheur. Hout pleurait en déglutissant chaque bouchée, car chacune lui disait que les hommes qui lui avaient fait confiance, ses soldats, n’en profiteraient plus jamais. Il avait atteint Kompong Thom, comme Napoléon Moscou et, comme pour son illustre exemple, le retour avait été un calvaire. L’ennemi se collait à eux, les bombardiers américains détruisaient indistinctement les uns et les autres, mais c’était leur seul moyen de passer. À force de pertes, son bataillon s’était disloqué et chacun avait tenté sa chance.

– Trois mille morts. Combien de blessés ? Combien de vies brisées ? Sans oublier les femmes et les enfants, car la plupart de mes hommes étaient partis avec des « bagages », la campagne menaçant d’être longue, ils ne pouvaient laisser leur famille sans argent, sans soutien, trois ou quatre mois durant. On ne les comptabilise pas, mais nos adversaires sont sans pitié.

– C’est vrai que c’est une guerre terrible. Entre nous et les Vietnamiens, ce n’est pas un simple antagonisme, c’est une haine qui remonte à la nuit des temps.

– Papa, il n’y avait pas que des vietminhs ! Les Khmers rouges sont pires. Ils ont tracé une ligne de démarcation entre eux et nous. Pour eux, nous ne sommes plus des Cambodgiens. Jamais ils ne font de prisonniers.

Oum Savath ne savait que dire pour calmer son fils. Lui rappeler qu’il avait à nouveau tout essayé pour empêcher le désastre, puis, ayant échoué, avait démissionné ? Piètre consolation. La découverte de charniers à Kompong Thom qui avait un instant été reprise avait été exploitée par le régime pour montrer la cruauté de leurs adversaires. Trop peut-être. La nouvelle était revenue comme un boomerang. Il y avait ceux qui minimisaient le nombre de morts, ceux qui accusaient les hommes de Lon Nol d’être eux-mêmes responsables de cette boucherie (après tout, certaines des victimes étaient des communistes[13]) et puis il y avait ceux qui renvoyaient tout le monde dos à dos en expliquant que la bestialité était partagée, que c’était atavique, que tout Khmer était un démon. Des photos, des films circulaient, montrant des soldats exhibant joyeusement des têtes coupées ou détaillant, l’organe dans une main, comment ils allaient déguster le foie de leur ennemi. La presse internationale semblait ne voir que ce qui confirmait sa ligne éditoriale.

– Que vas-tu faire maintenant ? Reprendre tes cours ? Les lycées vont devoir rouvrir.

– Papa, tu ne comprends pas ! Je suis mort ! Ils vont gagner la guerre et ils me tueront, quoi que je fasse désormais, car ils sauront que je les ai combattus. Je ne compte pas quitter le pays et ils vaincront tôt ou tard. Je vais retourner dans l’armée. Je veux venger mes hommes.

Il s’était levé, décidé, le regard dur. Il se préparait à s’en aller. À la dernière minute, sur le pas de la porte, il s’est tourné vers son père et lui a demandé sur un ton angoissé :

– Tu crois qu’il est au courant pour Kompong Thom ?

Oum Savath a senti des larmes venir à ses yeux.

– Je ne sais pas, mon enfant, je ne sais pas ! Samdech Euv ne peut ignorer ce qui se fait en son nom ; il ne peut pas le tolérer, non plus. Qu’est-il devenu loin de nous ?

Après les épopées Chenla I et II, la population ne soutenait plus le régime. L’état-major avait compris que la guerre était perdue et tentait d’engranger le plus de dollars avant de quitter le pays. Les généraux ne signalaient pas les morts, annonçaient plus d’hommes qu’en réalité, aller même jusqu’à créer des bataillons fantômes afin de toucher les soldes (versées par les Américains)[14]. Le pouvoir civil ne se comportait pas mieux. Reprenant l’adage selon lequel, « pour sauver la liberté, il faut priver les gens de liberté », le Parlement a été dissous. Lon Nol est devenu président de la République, après des élections truquées. Tout cela baignait dans une corruption record.

Fuyant les bombardements américains, une foule de misérables avait envahi Phnom Penh qui a atteint les deux millions d’habitants multipliant par six sa population initiale.

En sens inverse, d’autres abandonnaient la capitale et rejoignaient le maquis.

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