Pour lutter contre la campagne de dénigrement, le Comité permanent a invité une équipe de journalistes yougoslaves dirigée par Nicolas Victorovic pour qu’il montre le vrai visage du Kampuchéa démocratique. Le film, à sa sortie en avril, stupéfait le monde entier.
On y voit des cités à l’abandon, les ruines de la Banque Nationale, l’édifice ayant été dynamité lors de la prise de Phnom Penh, les cinémas désertés, les impacts de la guerre sur les murs, les maisons, les rues, jamais réparées. Vide et silence font plus de bruit que mille commentaires.
On y voit de grands ouvrages d’irrigation, des barrages gigantesques qu’une nuée de fourmis humaines tentent de bâtir sans aucun moyen technique, des « camarades bœuf » [7] sortis tout droit du passé, bâtisseurs d’Angkor ou des pyramides égyptiennes.
On y voit des coopératives agricoles et artisanales, ces coopératives qui font la fierté du régime, où deux à dix mille personnes s’activent sans relâche comme des esclaves, où les kamaphibals décident du quotidien de chacun.
On y voit des femmes s’affairant, pieds nus dans des salines, séparées de leur mari qu’elles ne retrouvent que tous les six mois.
On y voit des enfants, de très jeunes, œuvrant sur des bateaux de pêche, dans des ateliers. Certains n’ont pas sept ou huit ans. Un vrai cauchemar à la Dickens avec ces gamins trop petits pour leur poste de travail, debout sur des caisses en bois pour atteindre les manettes des machines. Une voix off explique qu’il faut associer dans l’enseignement théorie et pratique. Ce sont les images d’une expérience d’avant-garde dans l’éducation ! En six mois, on forme un technicien. Un an de plus où alternent banc d’école et banc de montage et, hop, on a un ingénieur hautement qualifié.
Il y a derrière ces images tout ce que l’on ne voit pas, car il s’agit d’un film de propagande et que l’on a montré que ce qui fait la fierté des dirigeants communistes ! On a caché la malnutrition, les coups, la torture, les morts, mais on les devine en filigranes sur les visages sans joie.
Que sont devenus les sourires de ce pays ?
Après la projection de ce film, interrogé par la presse, le président des États-Unis, Jimmy Carter, parle du gouvernement du Kampuchéa comme du « pire contrevenant actuel aux droits de l’homme dans le monde ».
En août, une commission de l’ONU entend, à Genève, de très nombreux témoignages. Ceux fournis par plusieurs nations occidentales (Australie, Canada, Grande-Bretagne, Norvège, États-Unis) sont particulièrement accablants. Elle conclut au génocide.