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XI - Page 15 sur 18 - Les 9 vies de Norodom Sihanouk

XI

Pour Saloth Sâr, le communisme fut une planche de salut. À l’École de radioélectricité, dès la rentrée en deuxième année, il savait qu’il ne réussirait pas. Trop difficile. Il avait récupéré à Paris son statut de cancre, mais au lieu de la sympathie amusée qu’il avait connue au Cambodge, il rencontrait le mépris des autres, des Français d’abord, mais aussi de ses compagnons qui ambitionnaient d’obtenir un doctorat. Pourtant, il essayait de s’accrocher à eux, d’assister aux réunions, aux débats, aux conférences qu’organisait l’Association des Étudiants khmers, l’AEK. Mais Keng Vannsak, qui la dirigeait, le traitait de haut et trouvait pathétiques ses efforts pour s’intégrer.

– C’est un pauvre type. Il n’a pas d’ami, il n’arrive même pas à suivre une école technique. Cela aurait pu être pour lui de belles vacances à l’étranger, mais, là encore, il est incapable de s’en sortir financièrement.

Pour quelqu’un en échec, plus généralement pour tous ceux qui se sentaient perdus dans cette société qui trahissait si vite les idéaux de la Libération, pour toute la jeunesse de l’époque, le communisme était très tentant. Il inscrivait l’individu dans un mouvement mondial, dans un conflit éternel entre le bien et le mal, entre le prolétariat et le capitalisme, que l’on appelait la lutte des classes. Et l’idéologie socialiste affirmait que ce combat serait victorieux. Mieux il le prouvait sci-en-ti-fi-que-ment ! Pour Saloth Sâr, ce fut le déclic.

Quand on rajouta à l’AEK, le Cercle marxiste, prélude à la création d’une cellule communiste, il consolida ses liens avec les autres et retrouva en partie la camaraderie qu’il avait connue lorsqu’il était au lycée Sisowath. Communiste, on se devait d’acheter l’Humanité ou l’Humanité dimanche. Il y avait des revues pour tous les niveaux, La Nouvelle Critique, les Étudiants anticolonialistes, Libération, Démocratie nouvelle, Cahiers internationaux. Il y avait également des livres incontournables. Être intellectuel et marxiste, c’était apprendre à distinguer les auteurs et les événements à travers le prisme du socialisme, à préférer Montesquieu à Montaigne, Rousseau, l’utopiste, l’idéaliste, le concepteur du Contrat social à Voltaire, le bourgeois, Robespierre à Danton, la Révolution, la grande Révolution, celle de 1793, et la Commune de 1870 à celle de 1848 ou même à celle de 1789. S’adaptant une nouvelle fois à son entourage, Saloth Sâr devenait érudit en sciences sociales et politiques.

Un jour, ils adhérèrent au parti communiste français, et là, n’avoir qu’un BEP d’élève menuisier se transforma en un atout majeur. Le PCF des années cinquante reprochait aux Cambodgiens d’être « une bande de cérébraux coupés de toute réalité ». Devant une telle accusation, les penseurs les plus renommés, les esprits les plus brillants, faisaient profil bas et pliaient les genoux pour se mettre à la hauteur des autres. Comment les Cambodgiens auraient-ils pu s’insurger ? Hou Yuon avait beau jeu de se récrier qu’ils étaient en France parce qu’ils étaient étudiants, parce c’étaient des intellectuels, il n’avait pas l’envergure d’un Hô Chi Minh, pourtant docteur en lettre classique, ou d’un Giap, professeur d’histoire, pour récuser la critique.

– J’ai eu une enfance difficile et j’ai dû travailler jeune, avança à tout hasard Ieng Sary.

Mais Hou Yuon protesta aussitôt.

– Tu es d’une famille de commerçants et tu as été éduqué par un achar, un religieux !

On proposa Chau Seng, qui était un fils de paysan pauvre et qui avait gagné son pain dès l’âge de sept ans, mais le PCF avait un autre nom.

– Il n’y a pas plus intellectuel que lui. Enfant, il a peut-être été élevé à la dure à la campagne, mais depuis tout a été oublié. Sa thèse est un mélange d’enseignement et de psychologie ! On n’en comprend même pas le titre ! Non, je pensais à Saloth Sâr, il suit des études dans une école technique, il faudrait que vous le mettiez plus en avant.

Hou Yuon et Ieng Sary se regardèrent. Les parents de Sâr étaient de riches paysans, sa sœur et une de ses cousines avaient été des concubines du roi Monivong. Le plus drôle était qu’il ne serait même pas ouvrier puisque, visiblement, il allait rater sa scolarité et reviendrait profiter des terres familiales.

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