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XII - Page 7 sur 15 - Les 9 vies de Norodom Sihanouk

XII

Quand ils arrivèrent au lycée Descartes, la cour était déjà bien remplie. Une estrade avait été bâtie pour le défilé et, tout autour, des tables étaient dressées pour les invités. Il fit la moue en voyant qu’il serait assis à côté du général Yves Digo, le nouveau commissaire de la République. Il espérait, ce soir, oublier les problèmes indochinois. Cette nuit, il lui fallait séduire et rassurer les classes dirigeantes, il devait distiller de l’insouciance et la jeune femme à son bras était son meilleur argument. Il connaissait presque tout le monde et il allait de table en table, saluant chacun, baisant la main des dames, serrant celle des Français et échangeant un sampeah avec les Cambodgiens. Il avait toujours un mot ou deux pour chacun.

Juste avant d’arriver à sa table, il se trouva devant celles des filles Izzi. Elles avaient perdu leur père, un Corse qui avait été directeur du Crédit foncier de Saïgon, durant l’occupation japonaise, mais leur mère, madame Pomme Peang, une Cambodgienne d’origine sino-vietnamienne, était là, tout sourire. Elle embrassa le roi, sans cérémonial, c’était une amie de son père, Suramarit, et de Khun Nath, la mère de Pongsanmoni. Elle avait connu Sihanouk enfant. Le prince Sisowath Méthavy, qui avait épousé l’aînée des deux filles, Nanette, se leva et lui présenta sa femme.

Ce fut un choc. C’était une vraie beauté. Dieu que le métissage entre occident et orient produisait de ravissantes fleurs ! Des yeux oblongs, des lèvres minces, une peau pâle, des seins fermes, une taille élancée, cette grâce sans fioriture et ce parfum, mélange dosé de senteurs tropicales ! Avec quelle élégance avait-elle offert ses doigts fins, ses ongles vermeils pour que le souverain y dépose un unique baiser, lui qui aurait voulu la dévorer ! Et comme son sourire était une invitation au plus doux des plaisirs.

– Puis-je présenter à Votre Majesté ma sœur Monique ?

Le regard du monarque se porta sur « la belle entre lait et sang »[4]. Elles étaient sœurs, difficile de le nier tant elles se ressemblaient, elles étaient à ravir, l’une et l’autre, mais là où Nanette était femme, sa cadette était ange. Elle se leva et fit une émouvante révérence.

– Et dire que l’on me cachait une pareille merveille !

– Mais nous nous sommes déjà vus, Votre Majesté. Vous m’avez même demandé en mariage ! dit-elle en riant.

Un rire qui faisait écho à celui d’Hélène.

Sihanouk fouilla dans sa mémoire et retrouva très vite l’anecdote à la grande joie de l’adolescente.

– Votre mère était venue saluer la reine Kossamak et vous l’accompagniez. Je m’en souviens très bien, vous étiez adorable dans votre petite robe en coton ornée de motifs colorés. Des orchidées, il me semble. J’ai dit en plaisantant à votre mère que, dans quelques années, je solliciterai votre main, et elle m’a répondu en riant qu’il n’en était pas question « Sire, vous êtes trop volage. Tous les six mois, vous changez de dulcinée. Ne faites pas le malheur de ma fille ! »

Le silence qui suivit était peuplé de doux souvenirs…

– C’était il y a si longtemps.

– Il y a plus de quatre ans, Votre Majesté, j’en ai maintenant seize !

Le roi fut troublé par cette dernière phrase et surtout par la manière dont elle l’avait prononcée. Se pouvait-il qu’elle ait pris la demande au sérieux ? Son triomphant « J’en ai maintenant seize » signifiait qu’elle se pensait désormais en âge de se marier. Elle avait l’innocente indécence des enfants et la pudeur sensuelle des courtisanes. Il y avait entre eux quatorze ans d’écart, mais il ne voyait dans le regard joyeux de la jeune déesse aucun calcul, aucune retenue, juste le bonheur d’être enfin à la hauteur de leur amour. Ils tentèrent d’oublier leur trouble en changeant de conversation.

– Savez-vous que j’ai bien connu votre père ? Quand j’étais enfant, il m’apportait des bandes dessinées, Bicot Bicotin, les Pieds nickelés…

– Nous avons eu les mêmes lectures, enfants, ma sœur et moi. Je crois que lui-même les appréciait.

Mam Manivan Phanivong interrompit leur échange et tira son époux vers la table où on l’attendait pour commencer le concours. Avant de quitter, à regret, l’adolescente, il lui demanda de participer à la compétition.

– Vous n’aurez aucune difficulté, mademoiselle, à gagner le premier prix.

Surprise, elle tenta de dissuader le roi d’exiger cela d’elle, faisant valoir qu’elle n’était ni fardée ni habillée.

– Les candidates ne le sont que trop. Dans le plus simple appareil, votre jeunesse et votre beauté n’en seraient que plus triomphantes.

Il ne pensait pas à mal, il ne voulait pas choquer, ce n’étaient que des mots, une simple galanterie. Mam Manivan Phanivong et Monique rougirent. Cette dernière se reprit la première et lui adressa un petit sourire enjôleur.

– Si je ne sors pas victorieuse, je serais si triste, si désappointée.

– Je vous consolerai.

– Que feriez-vous pour cela ?

– Si par malheur, vous n’avez rien ou qu’une médaille secondaire, je retarderai la distribution des prix et enverrai aussitôt quelqu’un chercher la plus belle des coupes en argent ciselé du palais et je vous l’offrirai. Si j’étais magicien, j’arrêterais le temps afin de permettre aux plus grands orfèvres de Phnom Penh de façonner une couronne qui soit digne de vos cheveux, mais je ne suis que le roi et il faudra vous en contenter. Rassurez-vous, mademoiselle, dans tous les cas, tout le monde vous applaudira avec enthousiasme.

Vaincue, Monique quitta sa table pour rejoindre les autres candidates, Sihanouk, de son côté, rallia celle du jury, jury dont il était le président. Chacun était au courant de l’incident qui venait de se produire et les filles ne défilèrent que pour le plaisir des yeux.

Monique n’eut qu’une exigence envers Sihanouk. Elle lui demanda de ne pas vivre au palais. Il était polygame, ce n’était pas choquant. Elle aimait bien Pongsanmoni, la reine en titre, qu’elle connaissait depuis son plus jeune âge, elle promit d’être amie avec ses femmes, ses enfants, mais elle ne supportait pas l’idée qu’il décide dans le couloir avec qui il passerait la nuit. Elle devait avoir sa propre maison loin des autres, c’est-à-dire du palais ; elle saurait, quand il venait, que ce serait pour elle. Ainsi, elle pourrait, comme le renard du Petit Prince, habiller son cœur de joie. Ils se marièrent en privé un mois après et le roi fit construire pour elle le palais de Changkar Mom, au sud de la capitale.

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