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VIII - Page 4 sur 13 - Les 9 vies de Norodom Sihanouk

VIII

« Ils », c’étaient bien entendu les Japonais. Les Américains avaient reconquis les Philippines et l’on avait déterré un charnier, 100 000 civils assassinés, et découvert les conditions atroces de détention des Occidentaux ou des résistants philippins. La population avait été quasiment réduite en esclavage. Les autorités indochinoises avaient demandé le silence sur ces exactions et pour une fois Georges était d’accord avec cette censure. Il ne fallait pas affoler les Français, mais la collaboration entre la Fédération et le Japon était une véritable valse avec le diable. Hubert, en tant que collaborateur du journal, était lui aussi au courant, on n’entrait cependant pas dans les détails en présence des femmes.

– Decoux est un magicien. Il a réussi à convaincre Tokyo, avec ses pleins pouvoirs qu’à mon avis il a inventés de toutes pièces que nous étions dans leur camp. Je n’aurais jamais cru cela possible. Quand Paris a été libéré, j’ai craint le pire. Mais il a embrouillé tout le monde et l’Indochine, sans rompre avec la France qui, désormais, est officiellement en guerre avec l’Empire du soleil levant, continue à être engagée au côté des Japonais par un pacte de défense. Avec un peu de chance, Hiro Hito pourrait être vaincu avant que l’Indochine n’entre en guerre.

Hubert était beaucoup moins confiant. En tant que journaliste, il parcourait la capitale et ses environs pour témoigner sur les différents bombardements, visitant des fosses communes, il observait partout des ruines d’infrastructures industrielles, et bien souvent de maisons ou d’immeubles, d’écoles, parfois d’hôpitaux. Jusqu’à la nausée. Par ailleurs, étant depuis longtemps un gaulliste convaincu, il était surpris que son ami, dont il connaissait et appréciait l’esprit plutôt à gauche, puisse dire du bien du très pétainiste amiral.

– Je ne suis pas aussi optimiste que toi sur la suite. La chute prochaine des Philippines semble indiquer que les Américains vont tenter un débarquement en Cochinchine et un autre sur l’île de Formose. De là, ils prendraient en tenaille les dernières troupes japonaises avec, à l’ouest, les forces britanniques qui progressent en Birmanie, au nord, les armées de Tchang Kaï-Chek. Si Roosevelt tanne Staline pour qu’il se lance en Asie, c’est bien parce qu’il veut réduire les bataillons nippons engagés sur le continent avant de s’attaquer aux îles japonaises. Pour moi, les Américains sont terrorisés à l’idée de ce qui les attend lorsqu’ils mettront un pied sur le sol ennemi.

Georges réfléchissait sur les arguments de son ami. Ce dernier n’avait pas tort, mais lui n’arrivait pas à croire que les généraux alliés puissent être aussi illogiques, il rétorqua :

– Les Américains ont tout intérêt à lancer leurs soldats contre le territoire japonais et laisser en paix les troupes ennemies qui sont éparpillées partout en Asie. Iwo Jito pris, leur prochain objectif sera Okinawa. Tokyo est déjà à portée de leurs avions. L’empereur demandera bientôt la cessation des combats. Au pire, si tu as raison, s’ils attaquent l’Indochine, les forces japonaises seront incapables de résister longtemps. Nos ennuis seront de courte durée. Il suffira de se retrancher ici et d’attendre.

Le même débat géostratégique se poursuivait, cette fois-ci à Saïgon, entre l’amiral Decoux et le général Mordant. Le premier jugeait improbable un débarquement en Cochinchine, le second en rêvait et préparait les différents réseaux gaullistes, soldats et civils, à se porter en soutien aux marines, le moment venu.

– Je vous le répète, il ne se passera rien. Les combats aux Philippines ne s’expliquent que par l’orgueil des Américains. C’était un territoire qu’ils avaient dû céder ; Mac Arthur avait promis : « Je reviendrai » ; il est revenu. Sans doute, les bruits des exactions japonaises contre les prisonniers de guerre américains qui ont filtré ne leur ont pas laissé d’autre possibilité. Mais ce n’est pas le cas en Indochine, car elle est toujours française et nous protégeons tous les aviateurs capturés chez nous.

Decoux s’énervait de ne pouvoir faire comprendre sa position à son officier. Il était écœuré que ce dernier ait été choisi pour diriger la résistance plutôt que lui. S’il avait été pétainiste, c’était parce que la légalité était à Vichy. Il était un soldat et il obéissait au gouvernement légitime, mais il avait été heureux lorsque les Allemands avaient été chassés de son pays. Il était le représentant de la France en Indochine, c’était à lui d’être celui de la lutte contre les Japonais. Et puis Mordant ? Un vieillard très effacé, avec ses vêtements trop amples pour lui, ses grosses lunettes de myope, sa capote de la Première Guerre. Même sa moustache était grotesque !

– Écoutez, Général, c’est vous qui avez été désigné comme chef de la Résistance. Je ne m’y oppose pas, mais, bon sang, essayez d’être prudent ! Aujourd’hui, tout le monde est gaulliste, chacun veut surenchérir sur son voisin. Vos activités deviennent ostensibles. Il faut que cela cesse sinon je ne réponds plus de rien ! J’aurais bien aimé avoir un contact sans intermédiaire avec Paris et argumenter moi-même.

Le général Mordant sourit. Alger, Paris désormais, ne désirait plus avoir de lien direct avec Decoux. C’était un pétainiste notoire et il avait aidé les Japonais durant la guerre. Il croyait que l’on pouvait continuer à collaborer avec Tokyo et s’asseoir ensuite à la table des vainqueurs.

Dans toute l’Indochine, chacun essayait de deviner où les Américains allaient frapper et quelles seraient ses chances de survivre, de ne pas figurer parmi les dernières victimes de cette guerre qui finissait

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