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VIII - Page 3 sur 13 - Les 9 vies de Norodom Sihanouk

VIII

Georges Féray, le directeur du journal La Vérité, avait acheté, quelques années auparavant, une plantation à quelques kilomètres de Phnom Penh. Une manière ingénieuse de placer son argent. Le terrain produisait des noix de coco et des bananes et l’on pouvait venir s’y délasser le week-end, en allant pêcher dans un petit ruisseau. Il y avait, non loin, un village où les habitants étaient heureux de faire du troc ou de vendre le fruit de leur champ. La guerre n’avait rien changé, bien au contraire. Le journal rapportait bien. Malgré quelques réquisitions, le domaine fournissait un complément alimentaire très apprécié. En ces temps de pénurie, on avait même une vache pour allaiter les derniers-nés, deux jumeaux. Avec les villageois, l’entraide apportait mieux qu’un petit plus, c’était un peu de bonheur dans tout ce malheur. Quand un de ses enfants tomba malade, un soldat japonais qui sortait avec une fille du hameau parvint à obtenir des médicaments pour le soigner.

Au cœur de leur propriété, il y avait une belle maison en bois, bâtie sur pilotis comme le font les Cambodgiens, car la terre est souvent humide. Deux grandes chambres sur le fond et un vaste salon ouvert sur la bananeraie, la cuisine se faisait à l’extérieur, en s’abritant parfois sous le plancher. Il n’y avait pas d’électricité, mais des lampes à pétrole. En mars, c’était encore la fin de la saison sèche, mais la fraîcheur nocturne commençait à s’atténuer et les soirées devenaient des moments très appréciés, les moustiques n’avaient pas encore fait leur apparition, du moins cela restait supportable. Le repas était fini. Les adultes – ils étaient quatre, Les Féray, Georges et Pauline, et les Mettier, Hubert et Jeanne – prolongeaient la veillée en bavardant paisiblement, les enfants jouaient, plus précisément les trois gamines persécutaient le pauvre garçon. Il n’avait que huit ans, ses aînées quatorze et treize ans et la fille des Mettier dix. Pour compléter ce charmant tableau, il fallait rajouter deux bébés, des jumeaux nés l’année précédente, qui dormaient dans une des chambres. Par contre, n’imaginez pas un monde plongé dans le silence ! Les nuits tropicales sont remplies de bruits, coassements, hululements, appels d’oiseaux nocturnes, et à l’intérieur même des maisons, les lézards chantants. En effet si les margouillats glissent au plafond, muets et furtifs, les gros geckos, qu’on nomme au Cambodge des tokays à cause de leur cri, bercent les soirées. Il faut tendre l’oreille et écouter la conversation des adultes pour comprendre que la guerre était bien présente.

– La vie en ville est devenue intenable. Ici, nous sommes plus à l’abri, on entend parfois les bombardiers, mais ils ne font que passer. Ce sera dur pour nos femmes quand nous serons à Phnom Penh pour le journal, mais au moins, nous saurons, lorsque la sirène retentira, que nos familles ne sont pas concernées.

– Je vous remercie, Pauline et toi, de nous héberger. C’est vrai que c’est difficile. Pour la petite notamment, elle a si peur le soir qu’elle ne veut pas s’endormir, elle pleure et il faut qu’on soit à ses côtés. Puis soudain, elle sombre si profondément qu’il lui arrive de mouiller ses draps. Pauvre enfant !

Hubert regarda avec tendresse sa fille tapant sur les doigts du malheureux martyr tandis que ses sœurs le maîtrisaient. Georges prit une bouffée de cigarette. Il s’étonnait de voir l’intelligence dont faisaient preuve les hommes pour conserver leur vice : on avait des ersatz pour le café, les alcools, le tabac, mais on ne trouvait rien pour remplacer le lait pour les bébés. La douceur qui régnait en cette soirée de mars, les vins à base de fruits locaux invitaient à l’espérance.

– Quand on sait ce qu’ils ont fait à Manille, les bombardements sont un moindre mal.

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