Warning: Constant MULTISITE already defined in /htdocs/wp-config.php on line 83

Warning: Constant SUBDOMAIN_INSTALL already defined in /htdocs/wp-config.php on line 84

Warning: Constant DOMAIN_CURRENT_SITE already defined in /htdocs/wp-config.php on line 85

Warning: Constant PATH_CURRENT_SITE already defined in /htdocs/wp-config.php on line 86

Warning: Constant SITE_ID_CURRENT_SITE already defined in /htdocs/wp-config.php on line 87

Warning: Constant BLOG_ID_CURRENT_SITE already defined in /htdocs/wp-config.php on line 88

Warning: Constant WP_CRON_LOCK_TIMEOUT already defined in /htdocs/wp-config.php on line 96
VIII - Page 2 sur 13 - Les 9 vies de Norodom Sihanouk

VIII

Le 7 février 1945, 44 bombardiers B-29 décollèrent depuis l’Inde pour atteindre Saïgon, mais aussi Phnom Penh, où les objectifs étaient divers, de la caserne de gendarmes nippons à des usines de production d’électricité ou des ponts. Les pilonnages américains manquaient, en ce temps-là, de précision[2], ce fut un déluge de feu qui s’abattit sur la capitale, plusieurs bombes tombèrent sur le marché central à quelques centaines de mètres au nord du palais royal. Les murs vénérables en tremblèrent et tout souverain que l’on soit, il fallut aller se réfugier dans les abris. Quand l’alerte fut terminée, Sihanouk remonta à la salle du trône tandis qu’affluaient les terribles nouvelles. Le bilan, cette fois-ci, était particulièrement lourd et il décida d’aller faire le constat lui-même.

Il marchait dans la fumée et la poussière, au milieu des morts que des secouristes qui, au milieu des larmes et des hurlements de la population, entassaient au bord de la chaussée afin de faciliter le travail des camions qui les emporteraient vers les pagodes où on essaierait de les incinérer le plus rapidement possible tout en respectant un minimum de rites funéraires. La foule le prenait à témoin : on brandissait des corps d’enfants brisés dans leur jeune existence, d’autres lui montraient des orphelins à moitié nus, ne comprenant rien et appelant leur maman ; dans un coin, parmi les décombres, une mère-enfant donnait le sein, s’étonnant que son fils ne tète plus. On racontait les pires histoires, celle de ce petit chien seul survivant d’une baraque qui s’était effondrée ou encore celle de ce survivant qui avait conseillé à sa famille de se réfugier sous ces énormes lits en bois que l’on trouve en Asie, les bat-flancs, lui, au final, n’avait pas voulu y aller. Quelques journalistes étaient là, le souverain éclata.

– Le Roi Norodom, mon arrière-grand-père, gouvernait ce pays, la France est arrivée avec ses canonnières et a pilonné son palais. Alors on s’est mis sous sa protection. Les Japonais sont venus avec leurs avions et ils en ont fait autant, nous invitant à les prendre comme protecteurs. Aujourd’hui, ce sont les Américains ! Nos futurs protecteurs sans doute ? Chaque fois, ils se présentent avec toujours plus de bombes !

Puis tous les officiels se dirigèrent vers le Tonlé Sap, un engin explosif avait atteint une pauvre flottille de sampans. Ce que la déflagration n’avait pas détruit, le feu l’avait ravagé. Un peu plus loin, le pont qui reliait la ville à l’autre berge se tenait indemne, presque moqueur. Il était d’une laideur étonnante, tendu entre deux rampes de pierrailles, construites à la va-vite par les Japonais pour faciliter le transport de troupes et de matériel. Il était terminé sans que l’on prenne le temps de faire les finitions, c’était un ouvrage militaire en période de guerre. D’étranges malédictions circulaient sur cet édifice que les citadins n’empruntaient jamais, préférant continuer à utiliser les bateaux ; quant aux Japonais, ils n’en avaient pas l’usage puisque l’Indochine était à eux. Bref, pas même érigé, il était déjà à l’abandon. Sihanouk était furieux. Ce pont stérile était toujours là, le village mouvant, grouillant de vie, avait été détruit. Des centaines de morts pour rien.

– Visiblement, ils ont raté leur cible, murmura le roi pour être mieux entendu des journalistes présents.

Mais quelle importance pouvait avoir l’indignation d’un homme dans un monde en guerre ?

Ce n’était pas son premier bombardement, mais Phnom Penh n’avait jamais connu d’aussi violent. La cité changea d’aspect, devint plus triste, plus silencieuse comme s’il fallait ne pas attirer la foudre. La nuit, il n’y avait plus une seule lumière. Ceux qui en avaient la possibilité quittèrent la capitale.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *