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III - Page 2 sur 13 - Les 9 vies de Norodom Sihanouk

III

Quand il se releva, il faisait nuit noire, il n’était pas blessé, l’obus avait frappé la terre juste devant lui et l’avait enseveli, le protégeant ainsi des Allemands. Le front avait cédé, quelques-uns avaient réussi à décrocher à temps, d’autres avaient été capturés, la majorité de ses compagnons gisaient autour de lui. Son bataillon avait été anéanti. Il était désormais derrière les lignes ennemies et il allait devoir les traverser pour rejoindre l’armée française et reprendre le combat. Il se mit en route, direction sud-ouest, vers Bordeaux. Des avions passaient dans le ciel qui, en cette nuit étoilée, était allemand. Rien ne semblait pouvoir arrêter la progression de leurs blindés au sol. Il pensa à son frère Monipong[2]. Était-il encore en vie ? Avait-il aussi reçu l’ordre imbécile de mourir pour donner l’impression que la France se battait encore ?

Même à Chasseloup, le conflit avait fait son apparition, et ce depuis plus de six mois. Dès septembre 1939, les élèves eurent la surprise de voir arriver leurs enseignants en habits militaires. La mobilisation générale avait été décrétée, mais les professeurs avaient été ensuite affectés sur leur poste de travail. Rien ne changeait si ce n’était leur costume : ils avaient troqué la blouse pour une tenue guerrière. Le directeur M. Salles portait un élégant uniforme de capitaine avec pantalon moulant et bottes scintillantes qu’il devait visiblement cirer tous les matins ou plutôt le faire faire par son boy[3] promu ainsi ordonnance sans le savoir. L’habit martial rehaussait l’allure de certains et rendait leurs cours plus attractifs pour les jeunes filles, mais d’autres étaient tout simplement grotesques. En particulier, le professeur de français-latin-grec, un géant avec un bel embonpoint, était aviateur et, le jour où il enseigna en tenue, il perdit tout prestige. On riait en imaginant les efforts pour le faire entrer ou sortir de son cockpit. Mis à part ce détail, rien n’avait vraiment changé dans la vie des élèves. En histoire, peut-être, parlait-on un peu plus de 14 – 18 ? À quoi bon s’intéresser à un conflit qui se passait, ou plutôt ne se passait pas – c’était la drôle de guerre – si loin de chez soi, alors même que personne ne se préoccupait des hostilités si proches entre la Chine et le Japon et dont l’Indochine française profitait puisque le matériel pour l’armée chinoise transitait par le port de Haiphong[4] ?

Tout changea en ce terrible mois de juin. Au début, les enseignants se dirent « enfin ! », mieux valaient les combats que cette attente interminable. Ensuite, ils réalisèrent que l’affaire concernait leurs familles, leurs amis restés en France et ils furent inquiets, mais sans plus. Puis ils écoutèrent, avec stupeur, la TSF décrire les mouvements, les batailles, égrener les villes qui tombaient dans l’escarcelle ennemie. La radio était le seul lien avec la métropole. La voix qui sortait du poste balayait les illusions, les espoirs de la veille ! Ils continuaient le lendemain à faire cours dans un silence assourdissant, les élèves devinant, ressentant leur désarroi. C’était des enfants bien élevés qui aimaient leurs enseignants et essayaient de le leur montrer par pure gentillesse, mais ils ne se sentaient pas impliqués dans ce conflit. Ils étaient trop jeunes pour comprendre ce que pouvait signifier pour l’Indochine le désastre de la bataille de France. Seul, Sihanouk partageait réellement leur souffrance à cause de ses deux oncles qui combattaient là-bas et dont il n’avait aucune nouvelle. Durant tous ces mois de mai et juin, le prince dut expliquer à ses amis pourquoi Monireth et Monipong étaient en France, qui ils étaient, ce qu’ils appréciaient dans la vie ; le soir, il écoutait la radio en faisant ses devoirs puis la commentait le lendemain à sa petite cour, tantôt plein d’espoir, tantôt sans illusion. Il n’y avait jamais de juste milieu et, avant de se coucher, il décidait de l’attitude qu’il devait avoir en se levant.

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